Sécurité

Samedi soir, il y avait match de foot au stade de France.
Ce n’est pas un événement en soi, mais j’ai vécu un moment si étrange que je me demande maintenant si j’habite la même planète que mes concitoyens.
Samedi soir, donc, je revenais tranquillement de l’aéroport de Roissy par le RER, un peu groggy de m’être levée à 4 h 30 le matin, d’avoir fait un aller-retour jusqu’à l’autre bout de la France dans la journée, avec séance de travail non stop entre les deux. Je m’étais assise le plus loin possible de la couche de bébé usagée coincée entre deux sièges que j’avais remarquée dans le premier compartiment et m’efforçais  de ne pas trop regarder les vitres griffées de tags et les banquettes sales, inquiète de voir se diriger vers moi, au gré du tangage, un bouteille de coca mi-entamée qui roulait sur le sol.
Le quotidien quoi.
Le train était quasi-direct et nous n’avons ralenti qu’à l’approche du stade de France. Au bout de longues, longues minutes, d’arrêts interminables et de redémarrages au pas, nous y sommes enfin arrivés. Service d’ordre impressionnant. Le flot des voyageurs, qui se pressaient sur les pans inclinés menant au quai, étaient endigués par de jeunes agents de la RATP vêtus de rouge, surveillés comme le lait sur le feu par des CRS, en groupes d’une dizaine. Cris, chansons, bonne humeur, la foule se faisait gentille et disciplinée tout en s’engouffrant dans les wagons. D’un coup, mon compartiment a été envahi par l’odeur de la fête, de la pelouse, des chawarma de fin de match, de la petite cigarette grillée vite fait, c’était très bon enfant.
Deux messieurs imposants se sont assis à côté de moi. A ma question "Il y avait un match de foot, ce soir ?" Ils ont répondu un "oui" étonné avant de conclure in petto que je devais arriver en direct de la planète Mars. Avec beaucoup de gentillesse, ils m’ont précisé "Nous avons gagné la coupe de France." Nous ? Oui, le Paris-Saint-Germain, autrement dit leur équipe, une partie d’eux-mêmes. Et de me préciser que dans le RER B, ne montaient que les supporteurs du Paris-Saint-Germain. Ceux de Marseille – les vaincus du jour – étaient systématiquement dirigés vers le RER C. "Comme ça, il n’y a aucun risque de bagarre, vous ne craignez rien, Madame". Ah bon, ça me rassure, tout de même…
Ces deux messieurs, manifestement le père et le fils, avaient donc passé une excellente soirée. Aucune importance qu’ils soient envoyés à l’opposé de chez eux pour cause de "mesures de sécurité". Tous les chemins mènent à Rome et les 2 300 policiers en tenue (donc il y en avait également en civil noyés dans la foule) étaient là pour jouer les poteaux indicateurs.
Ce n’est pas un peu étrange pour un match de foot pour lequel, comme disait Coubertin, "l’important est de participer" ?
Il y a des fois où le sens de la vie m’échappe.