Hier, nuitamment, j’écrivais une longue lettre à un ami. Usant des mots "mot" et "chose", me sont revenus en mémoire quelques vers un peu lestes, mais fort courtois, entendus prononcer par Philippe Meyer, cet homme atypique et inclassable qui fut un temps chroniqueur matutinal sur France Inter. En 1997, Meyer a fait un one-man-show au théâtre Mouffetard, à côté de chez moi. A cette occasion, j’ai acheté le délicieux recueil de ses textes. Il contenait, ô surprise, ledit poème.
Je vous cite la petite introduction de Philippe Meyer, dont vous apprécierez, j’espère, le style, suivie de ces quelques vers courtois :
"A force de lancer des nasardes au bon Dieu, d’une part, et de préférer la galanterie à la partouze, d’autre part, il arrivait fort naturellement que les chanoines composassent de succulentes polissonneries, tel Le Mot et la Chose, du chanoine de L’Attaignant, l’auteur des paroles de J’ai du bon tabac.
Madame, quel est votre mot
Et sur le mot, et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose.
Ainsi, de la chose et du mot
Vous pouvez dire quel chose,
Et je gagerai que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose.
Pour moi, voici quel est mon mot
Et sur le mot, et sur la chose ;
J’avouerai que j’aime le mot,
J’avouerai que j’aime la chose
Mais, c’est la chose avec le mot,
Mais, c’est le mot avec la chose,
Autrement, la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose.
Je crois même, en faveur du mot,
Pouvoir ajouter quelque chose :
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose :
C’est qu’on peut dire encor le mot
Alors qu’on ne fait plus la chose.
Et, pour peu que vaille le mot,
Mon Dieu, c’est toujours quelque chose !
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu’il ne faut ajouter au mot
Qu’autant que l’on peut quelque chose.
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul, hélas, sans la chose,
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose.
Pour vous, je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose,
Vous dites si gaiement le mot,
Vous méritez si bien la chose,
Que pour vous, la chose et le mot
Doivent être la même chose.
Et vous n’avez pas dit le mot
Qu’on est déjà prêt à la chose.
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose.
Eh bien, voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose :
Madame, passez-moi le mot
Et je vous passerai… la chose.
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