Il ne faut pas blesser les croyants dans leur foi, nous dit-on. Certes. On pourrait même en débattre, pour l’édification de chacun et le bien de tous. Mais il faudrait d’abord que certains croyants cessent de blesser, au sens propre du terme, ceux qui n’épousent pas leurs convictions. Répondre à la plume et au crayon par le feu et le sang est loin de créer une situation favorable à l’expression de l’intelligence.
Souvenons-nous de Salman Rushdie, souvenons-nous de Taslima Nasreen. En 1991, le traducteur italien de Rushdie a été poignardé et son traducteur japonais, assassiné. Il n’est pas si éloigné le jour où le cinéaste Théo Van Gogh – d’illustre famille – est mort criblé de balles et de coups de couteau pour un film qui n’était, d’ailleurs, pas exceptionnel. Deux cent vingt morts et plus de mille blessés dans plusieurs Etats de la fédération du Nigeria ont salué l’organisation de la compétition pour le titre de Miss Monde, la patrie de la gagnante de l’année précédente Merci la foule, qui n’avait pourtant pas protesté lorsque la jeune femme avait été élue, en maillot de bain comme toutes ses camarades.
Une fois de plus et sans changement depuis l’aube de l’humanité, la religion sème sous ses pas des cadavres, des cendres, de la souffrance et du chagrin. Le secrétaire général du Hezbollah s’est cru autorisé à dire que "s’il s’était trouvé un musulman pour exécuter la fatwa de l’imam Khomeyni contre le renégat Salman Rushdie, cette racaille qui insulte notre prophète Mahomet au Danemark, en Norvège et en France n’aurait pas osé le faire". Décidément, le mot "racaille" inspire un tas de gens. Les pays de l’Organisation de la conférence islamique et ceux de la Ligue arabe, qui n’ont jamais brillé par leurs initiatives en faveur de la paix, au Proche Orient, par exemple, clament maintenant urbi et orbi qu’il faut des lois internationales qui répriment "toute offense dirigée contre les prophètes et les religions sacrées". Parce qu’il doit sans doute y avoir des religions qui ne sont pas sacrées et dont on peut zigouiller gentiment les adeptes au motif que ce ne sont que des élucubrations de gens sans importance…
Cette distinction montrent bien qu’en réalité, ils exigent que leur loi coranique, leur charia, soit appliquée sur toute la planète, y compris dans les pays où l’islam n’est pas dominant, au simple motif qu’il y a certainement un musulman qui s’y promènera un jour ou l’autre et risquera d’être froissé par une réflexion dans la rue. Laïcité ? Connais pas.
Hélas, on peut compter sur tous les béni-oui-oui de la planète pour leur emboîter le pas. On en a la preuve avec, entre autres bien sûr, l’Association des chrétiens du Nigeria, les premiers pourtant à avoir hurlé au massacre – ce qui était exact – lors de l’affaire "Miss Monde" de 2002.
Comme l’a dit un éditorialiste ce matin : "Combien de Salman Rushdie, de Taslima Nasreen, de Théo Van Gogh devrons-nous exécuter, combien de musulmans libéraux devrons-nous livrer à leurs bourreaux, combien de femmes devrons-nous lapider, combien de malades devrons-nous laisser sans soins [ parce que Jéhovah n’a jamais été témoin d’une transfusion sanguine ], combien de livres et de journaux devrons-nous brûler pour que la soif de respect des fanatiques religieux soient enfin étanchée ?"
La liberté de pensée, indissociable de la liberté de conscience, donne droit à l’athéisme et au blasphème.
Si une communauté se sent insultée par un propos, un texte ou un dessin, le pays qu’elle habite a des lois destinées à la protéger. En France, on ne peut pas impunément dire n’importe quoi et c’est normal, ma liberté individuelle s’arrête où commence la liberté de l’autre. Aucune loi ne mentionne que l’on a le devoir de brûler les ambassades et d’égorger les citoyens qui ne pensent pas comme vous.
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