Fragments d’elle(s)

Fragmentsdelles150200_1Fanny Cottençon est une drôle de fille. Elle a à la fois un côté jeune et fragile et une maturité qui laisse penser qu’elle a beaucoup souffert. Seule sur la scène du Studio des Champs Elysées pour un florilège de textes de femmes, judicieusement intitulé Fragments d’elle(s), elle est charmante et désarmante.

Le spectacle dans son ensemble est excellent et je vous conseille vivement d’y aller, c’est le prix d’une place de cinéma. Hommes comme femmes, vous ne serez pas déçu. Fanny Cottençon emplit l’espace, captive le spectateur et l’emporte dans un tourbillon d’émotion et de rire. Je l’avais vue jouer les Monologues du vagin, il y a plusieurs années. Elle m’avait séduite de la même façon. C’est extrêmement étonnant qu’elle n’ait pas davantage de succès. Je me souviens fort bien que ce soir-là, dans la salle, une femme s’est mise à pleurer après le passage sur les femmes bosniaques violentées par la guerre. L’émotion était à son comble, leur tragédie venait à peine de se terminer. Cette fois-ci, il n’y a pas de scène aussi paroxystique, mais néanmoins beaucoup de sensibilité. L’extrait de Une femme, d’Annie Ernaux, où celle-ci parle de la mort de sa mère "décédée un lundi 7 avril dans une maison de retraite de l’hôpital de Pontoise" m’a fait venir les larmes aux yeux. Dire avec tant de justesse ce qui se passe dans ces établissements lorsque quelqu’un y meurt… Le petit sac plastique dans lequel il y a ses derniers objets personnels, sa montre, ses lunettes… Ca m’a rappelé ma propre expérience il n’y a pas si longtemps. Ce n’est pas affreux, rien que de petits gestes quotidiens, accomplis avec beaucoup de douceur par la personne qui est employée au service des décès. Mais c’est difficile à vivre.

Fanny nous offre aussi des moments de fou rire, des moments que toutes les femmes connaissent, quand les enfants réclament à grands cris au moment où le téléphone sonne, alors que la baignoire menace de déborder et que la casserole est sur le feu… Il y a aussi l’engagement politique, les Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, la plume acérée de Françoise Giroud ou de Benoîte Groult, bref, courez-y vite, c’est excellent.